
Contrairement à l’idée reçue, la souveraineté numérique n’est pas un concept abstrait pour les États, mais un enjeu de survie économique pour votre PME.
- Le Cloud Act américain rend vos données hébergées chez les GAFAM, même en Europe, légalement accessibles aux autorités américaines à tout moment.
- Des alternatives françaises souveraines (SecNumCloud) et open source crédibles existent pour remplacer chaque brique de votre système d’information.
Recommandation : Lancez sans tarder un audit de dépendance pour cartographier votre patrimoine informationnel et identifier les risques qui pèsent sur votre compétitivité.
En tant que DSI ou dirigeant de PME, vous jonglez quotidiennement avec les outils de Microsoft, Google ou AWS. Ils sont performants, pratiques, et semblent incontournables. La question de la souveraineté numérique vous paraît peut-être lointaine, un débat d’experts ou un enjeu pour les grands groupes du CAC 40. On vous parle de conformité RGPD, de choisir des datacenters en Europe, et vous pensez avoir coché les bonnes cases. Pourtant, cette tranquillité d’esprit est une illusion dangereuse. L’idée que vos données, hébergées sur un cloud américain en Irlande ou en Allemagne, sont protégées par le droit européen est une erreur fondamentale.
Cette dépendance que vous avez construite, brique par brique, n’est pas seulement une question de conformité. C’est une hémorragie stratégique silencieuse. Chaque jour, votre patrimoine informationnel le plus précieux – vos secrets de fabrication, vos fichiers clients, vos stratégies de R&D – est potentiellement exposé à une législation étrangère qui prime sur la nôtre. La véritable question n’est plus « faut-il s’inquiéter de la souveraineté numérique ? », mais plutôt « comment reprendre le contrôle avant qu’il ne soit trop tard ? ». Cet article n’est pas un pamphlet technologique, mais un guide stratégique pour évaluer votre exposition, comprendre les mécanismes en jeu et découvrir les alternatives crédibles qui transformeront cette contrainte en un véritable avantage compétitif.
Cet article a été conçu pour vous fournir une feuille de route claire, des fondements du problème aux solutions concrètes et activables. Le sommaire ci-dessous vous guidera à travers les étapes clés pour passer de la dépendance subie à la souveraineté choisie.
Sommaire : Comprendre et agir pour la souveraineté de vos données d’entreprise
- La souveraineté numérique, un concept pour les États ? L’erreur qui pourrait vous coûter cher
- Le Cloud Act expliqué simplement : pourquoi vos données sur un cloud américain ne sont jamais vraiment privées
- Cloud souverain vs Cloud de confiance : le guide pour faire le bon choix en France
- L’open source : l’alternative crédible aux géants du logiciel pour reprendre la main sur votre IT
- Audit de souveraineté numérique : les 10 questions à vous poser pour évaluer votre dépendance
- RGPD pour les PME : comment être en conformité sans y passer des semaines
- Brevet, secret de fabrique, enveloppe Soleau : quelle protection pour votre innovation ?
- Ne laissez pas un imprévu détruire votre entreprise : le guide de la sécurisation 360°
La souveraineté numérique, un concept pour les États ? L’erreur qui pourrait vous coûter cher
L’idée que la souveraineté numérique est une préoccupation exclusive des ministères ou des opérateurs d’importance vitale (OIV) est une erreur d’analyse profonde pour toute PME ou ETI innovante. Le champ de bataille de la compétition économique mondiale s’est déplacé vers le cyberespace, et vos données en sont la ressource la plus convoitée. La réalité du marché est sans appel : selon un rapport récent, plus de 70% du marché du cloud européen est détenu par les GAFAM. Cette hyper-concentration crée une situation de servitude technologique de fait, où les entreprises européennes et françaises financent des infrastructures sur lesquelles elles n’ont aucun contrôle juridique réel.
Cette dépendance n’est pas un risque théorique ; elle a des conséquences concrètes et immédiates sur votre stratégie. Penser que vous êtes « trop petit pour intéresser » est un autre mythe. L’espionnage économique ne cible pas que les grands contrats d’armement ; il vise l’innovation, où qu’elle se trouve. Votre PME, agile et innovante, est une cible de choix. Le coût de cette dépendance est souvent invisible au premier abord, bien au-delà du simple prix de l’abonnement.

L’illusion de la sécurité par la taille du fournisseur est parfaitement illustrée par des choix récents, même au plus haut niveau de l’industrie française.
Étude de cas : La migration de données d’EDF vers AWS
En 2024, le choix d’EDF de stocker une partie de ses données chez Amazon Web Services (AWS) a soulevé de vives inquiétudes. Bien que la direction ait affirmé qu’aucune information confidentielle n’y serait stockée, cette décision expose de facto une partie du patrimoine informationnel d’un fleuron énergétique français au Cloud Act américain. Cela signifie que les autorités américaines pourraient, sur simple demande et sans en informer EDF, exiger l’accès à ces données. Cet exemple démontre que même les plus grandes entreprises françaises peinent à évaluer la portée de cette asymétrie juridique, créant une brèche potentielle dans la protection de leurs actifs stratégiques.
Le problème n’est donc pas seulement technologique, il est géopolitique. En confiant vos données à des acteurs extra-européens, vous acceptez de soumettre votre actif le plus précieux aux règles d’une puissance étrangère. Pour une PME, cela revient à laisser la porte de son bureau de R&D grande ouverte.
Le Cloud Act expliqué simplement : pourquoi vos données sur un cloud américain ne sont jamais vraiment privées
Au cœur de cette problématique se trouve une loi américaine souvent mal comprise : le CLOUD Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act). Promulguée en 2018, cette loi confère aux autorités judiciaires américaines un pouvoir extraterritorial exorbitant. Concrètement, elle les autorise à exiger de n’importe quel fournisseur de services américain (comme Amazon, Google, Microsoft, mais aussi Salesforce, Slack, etc.) la communication de données stockées sur ses serveurs, quelle que soit leur localisation géographique. Que vos données soient dans un datacenter à Dublin, Francfort ou Paris, si le fournisseur est de droit américain, il doit se plier à la loi américaine.
Ce mécanisme crée une collision frontale avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) européen, qui interdit justement le transfert de données personnelles hors de l’UE sans garanties adéquates. Pour une PME française, cela se traduit par un risque juridique et opérationnel majeur. Vous êtes pris en étau entre l’obligation de protéger les données de vos clients selon le droit européen et le risque que votre prestataire cloud soit contraint de les livrer aux autorités américaines.
Le Cloud Act, c’est une arme extrêmement puissante contre la souveraineté juridique de l’État français.
– Michel Paulin, Directeur général d’OVH, devant la commission d’enquête sur la souveraineté numérique du Sénat
Les obligations imposées par cette loi sont particulièrement contraignantes et ne laissent aucune marge de manœuvre :
- Transfert obligatoire : Les entreprises américaines doivent transférer toutes les données demandées par les autorités, incluant les contenus, les métadonnées et les informations sur les utilisateurs.
- Absence d’opposition : Le fournisseur ne peut généralement pas s’opposer à la demande, même si elle contrevient à la loi locale (comme le RGPD).
- Manque de transparence : La loi n’impose aucune obligation d’informer la personne ou l’entreprise concernée que ses données ont été consultées.
- Portée extraterritoriale : Le fait que les données soient stockées en France ne constitue absolument aucune protection.
Cette asymétrie juridique n’est pas une faille, mais une caractéristique volontaire de la politique américaine. Pour une PME française, ignorer le Cloud Act revient à considérer que la confidentialité de ses données stratégiques, et de celles de ses clients, n’est plus une priorité.
Cloud souverain vs Cloud de confiance : le guide pour faire le bon choix en France
Face au risque posé par le Cloud Act, l’écosystème technologique français a développé des réponses structurées. Cependant, le vocabulaire peut être déroutant. Il est essentiel de distinguer deux concepts clés : le « cloud souverain » et le « cloud de confiance ». Votre choix dépendra directement du niveau de sensibilité des données que vous manipulez. Le marché français du cloud d’infrastructure représente près de 9 milliards d’euros, un enjeu économique colossal où les acteurs nationaux tentent de regagner du terrain.
Le Cloud Souverain désigne une offre de services cloud dont le fournisseur est une entreprise de droit non-américain (idéalement français ou européen) et dont les serveurs sont situés sur le territoire national ou européen. Ce modèle offre une immunité technique et juridique totale contre les lois extraterritoriales comme le Cloud Act. Des acteurs comme OVHcloud ou Scaleway incarnent cette approche.
Le Cloud de Confiance est un modèle hybride. Il repose souvent sur une technologie américaine (Microsoft Azure, Google Cloud) mais est opéré en France par une entité française, dans des datacenters isolés. L’objectif est de créer une « bulle » juridique. Le label « SecNumCloud », délivré par l’ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information), est la plus haute certification en France. Il garantit qu’un service cloud est protégé contre les lois non européennes. Des offres comme « Bleu » (Orange/Capgemini avec Microsoft) visent cette qualification.

Pour un DSI, le choix n’est pas binaire. Il s’agit de cartographier le patrimoine informationnel de l’entreprise et d’allouer la bonne ressource au bon niveau de sensibilité. Le tableau suivant offre un panorama des principaux acteurs en France et de leur positionnement.
| Fournisseur | Type de cloud | Certification SecNumCloud | Points forts |
|---|---|---|---|
| OVHcloud | Cloud souverain | En cours | Infrastructure 100% française, large gamme de services |
| Scaleway | Cloud souverain | Non | Innovation IA, GPU as a Service |
| Oodrive | Cloud de confiance | Oui (v3.2) | Spécialiste collaboration sécurisée |
| 3DS Outscale | Cloud souverain | Oui | Solutions pour secteurs régulés |
| Orange/Bleu | Cloud de confiance hybride | En développement | Partenariat avec Microsoft sous licence |
La meilleure stratégie est souvent une approche multi-cloud : utiliser un cloud souverain ou certifié SecNumCloud pour les données critiques (R&D, données clients, finance) et potentiellement des clouds publics pour les données moins sensibles.
L’open source : l’alternative crédible aux géants du logiciel pour reprendre la main sur votre IT
La souveraineté numérique ne se limite pas à l’infrastructure d’hébergement (IaaS). Elle concerne tout autant la couche logicielle (SaaS et PaaS) que vos équipes utilisent au quotidien. S’appuyer sur Microsoft 365, Slack ou Google Analytics, même hébergés sur un cloud de confiance, maintient une forte dépendance à des écosystèmes propriétaires et à des acteurs extra-européens. L’open source représente la voie royale pour sortir de cette servitude technologique.
Contrairement aux logiciels propriétaires dont le code est secret et le fonctionnement une « boîte noire », les solutions open source offrent une transparence totale. Vous pouvez les auditer, les modifier et, surtout, les héberger où vous le souhaitez, y compris sur votre propre infrastructure ou sur un cloud 100% souverain. Cela vous donne un contrôle complet sur la chaîne de traitement de la donnée, de bout en bout. Loin d’être des solutions « bricolées », l’écosystème open source propose aujourd’hui des alternatives matures, performantes et sécurisées aux leaders du marché.
Le tableau ci-dessous présente des alternatives open source directes pour les outils les plus courants en entreprise, compatibles avec une stratégie d’hébergement souverain.
| Solution propriétaire | Alternative open source | Hébergement souverain possible | Avantages clés |
|---|---|---|---|
| Microsoft 365 | Nextcloud + OnlyOffice | Oui | Contrôle total des données, personnalisation |
| Slack | Mattermost | Oui | Sécurité renforcée, intégrations flexibles |
| Google Analytics | Matomo | Oui | Conformité RGPD native, données propriétaires |
| Notion | Outline | Oui | Wiki collaboratif, markdown natif |
| GitHub | GitLab CE | Oui | CI/CD intégré, contrôle complet |
Étude de cas : L’écosystème français de l’IA avec Mistral AI
La startup française Mistral AI est l’exemple parfait de cette reconquête de souveraineté par l’open source. En proposant des modèles de langage performants en open source, elle offre une alternative crédible aux API fermées d’OpenAI ou Google. Les entreprises peuvent déployer ces modèles sur une infrastructure souveraine, comme les offres GPU de Scaleway ou OVHcloud. Cette approche garantit une confidentialité absolue des prompts et des données d’entraînement, un enjeu critique pour l’utilisation de l’IA sur des informations sensibles, ce que les GAFAM ne peuvent garantir.
Adopter une démarche open source est un acte stratégique fort. C’est décider de devenir maître de son propre système d’information plutôt que de rester locataire d’écosystèmes qui ne servent pas prioritairement vos intérêts.
Audit de souveraineté numérique : les 10 questions à vous poser pour évaluer votre dépendance
La prise de conscience est la première étape, mais elle doit rapidement être suivie par une action concrète : l’évaluation de votre niveau de dépendance réel. Beaucoup de DSI sous-estiment l’étendue de l’utilisation d’outils non maîtrisés, notamment le « Shadow IT » (les logiciels utilisés par les employés sans l’approbation du service informatique). Lancer un audit de souveraineté numérique n’est pas un processus lourd et coûteux ; il peut commencer par une série de questions fondamentales pour cartographier votre exposition.
Cet audit a un double objectif : identifier les risques immédiats qui pèsent sur votre patrimoine informationnel et construire une feuille de route pragmatique pour une migration progressive. Il s’agit d’appliquer une hygiène numérique souveraine à l’ensemble de vos processus. Il ne s’agit pas de tout changer du jour au lendemain, mais d’identifier les points de faiblesse critiques et de les traiter en priorité.
Les questions à se poser ne sont pas uniquement techniques. Elles couvrent les aspects juridiques, organisationnels et stratégiques de votre entreprise. Une évaluation honnête de ces points vous donnera une vision claire de votre posture actuelle et des actions à entreprendre.
Votre plan d’action pour un audit de souveraineté
- Points de contact : Cartographiez tous les points de stockage de données critiques (serveurs, SaaS, postes de travail) et identifiez la nationalité juridique de chaque fournisseur.
- Collecte : Inventoriez l’ensemble des outils SaaS et applications utilisés par vos équipes, qu’ils soient officiels ou issus du « Shadow IT », ainsi que leurs flux de données associés.
- Cohérence : Analysez les contrats avec vos fournisseurs (DPA, conditions générales) pour y déceler les clauses de soumission aux lois extraterritoriales et évaluer l’asymétrie juridique.
- Mémorabilité/émotion : Classifiez votre patrimoine informationnel en trois niveaux (stratégique/confidentiel, sensible/personnel, public) pour visualiser les actifs les plus exposés.
- Plan d’intégration : Élaborez un plan d’action pour les actifs les plus à risque, en définissant des priorités de migration ou de remplacement par des solutions souveraines.
Mener cet audit interne est l’acte fondateur de toute stratégie de reprise en main. C’est le diagnostic qui vous permettra de prescrire le bon traitement, adapté à la situation unique de votre entreprise.
RGPD pour les PME : comment être en conformité sans y passer des semaines
Pour de nombreuses PME, le RGPD est perçu comme un fardeau administratif. Pourtant, lorsqu’on le couple à l’enjeu de souveraineté, il devient un puissant levier stratégique. La conformité RGPD ne se résume pas à un bandeau de cookies sur votre site web ; elle exige une protection rigoureuse des données personnelles que vous traitez. Or, comme nous l’avons vu, le Cloud Act rend cette protection illusoire si vous utilisez un prestataire américain.
Le conflit juridique est direct : le RGPD impose que les transferts de données hors UE soient encadrés par des garanties de protection « essentiellement équivalentes » à celles du droit européen. La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a déjà invalidé à deux reprises (arrêts « Schrems I » et « Schrems II ») les accords qui encadraient ces transferts avec les États-Unis, jugeant que les programmes de surveillance américains étaient incompatibles avec nos droits fondamentaux. En continuant d’utiliser un cloud soumis au droit américain pour des données personnelles, votre entreprise se place en situation de non-conformité structurelle. Le risque n’est pas théorique : les entreprises violant le RGPD s’exposent à une amende pouvant atteindre 4% du chiffre d’affaires annuel mondial.
La bonne nouvelle, c’est que mettre en place une hygiène numérique souveraine est le chemin le plus court vers une conformité RGPD robuste et pérenne. En choisissant un hébergeur souverain ou certifié SecNumCloud, vous éliminez à la racine le problème des transferts de données illégaux. Pour guider votre choix, voici les points de vérification essentiels du point de vue du RGPD :
- Localisation des datacenters : Assurez-vous qu’ils sont exclusivement en France ou dans l’Union Européenne.
- Contrat de sous-traitance (DPA) : Exigez un « Data Processing Agreement » qui spécifie les obligations de l’hébergeur en matière de sécurité et de confidentialité, et qui soit soumis au droit français.
- Sous-traitants ultérieurs : Le DPA doit lister tous les sous-traitants de votre hébergeur et garantir qu’ils sont également conformes au RGPD et localisés en UE.
- Clauses de réversibilité : Le contrat doit garantir que vous pouvez récupérer l’intégralité de vos données dans un format standard et ouvert si vous décidez de changer de prestataire.
- Certifications : La certification SecNumCloud est le plus haut gage de confiance. Pour les données de santé, la certification HDS (Hébergeur de Données de Santé) est un prérequis légal en France.
En somme, aborder le choix de votre hébergeur sous l’angle de la souveraineté simplifie et renforce considérablement votre démarche de mise en conformité RGPD.
Brevet, secret de fabrique, enveloppe Soleau : quelle protection pour votre innovation ?
L’actif le plus précieux de votre PME n’est pas son parc informatique ou ses bureaux, mais son patrimoine informationnel : ses secrets de fabrication, ses algorithmes, ses plans de R&D, ses fichiers de prospection. La protection de cette propriété intellectuelle (PI) est la clé de votre avantage concurrentiel. Or, les stratégies classiques de protection (brevets, secret de fabrique) deviennent inopérantes si les données qui les matérialisent sont exposées.
Le brevet protège une invention technique, mais il exige de la rendre publique. Pour tout ce qui ne peut ou ne doit pas être breveté, la stratégie du secret de fabrique est essentielle. Elle repose sur un principe simple : la confidentialité. Cependant, cette stratégie s’effondre si les documents de conception, les résultats de tests ou les codes sources sont stockés sur une infrastructure qui peut être légalement « perquisitionnée » à distance par une puissance étrangère, comme le permet le Cloud Act.
Votre stratégie de secret de fabrique est caduque si vos données R&D sont hébergées sur un cloud soumis au Cloud Act.
– Expert en propriété intellectuelle, Analyse sur la protection des innovations
Protéger votre innovation à l’ère numérique impose donc de coupler votre stratégie de PI avec une stratégie de souveraineté des données. Heureusement, des solutions souveraines existent pour vous aider à constituer des preuves juridiques solides tout en garantissant une confidentialité absolue.
Étude de cas : L’enveloppe e-Soleau de l’INPI, une preuve d’antériorité souveraine
Pour dater de manière certaine une création et se prévaloir d’une preuve d’antériorité en cas de litige, l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) propose un service 100% numérique et souverain : l’e-Soleau. Ce service agit comme un coffre-fort numérique. Vous déposez vos documents (textes, code source, schémas…) qui sont ensuite horodatés et conservés de manière sécurisée et infalsifiable par l’INPI, une institution française. Contrairement au stockage sur un cloud standard, ce service, hébergé en France et protégé par le droit français, vous garantit non seulement une date certaine mais aussi une confidentialité totale vis-à-vis des ingérences étrangères.
Cette démarche est symptomatique de la nouvelle approche à adopter : pour chaque brique de votre stratégie d’innovation, vous devez vous poser la question de la souveraineté de l’outil qui la supporte. Le choix d’une solution de stockage ou de collaboration n’est plus seulement un choix technique, c’est un choix de protection de votre PI.
À retenir
- La souveraineté numérique n’est pas une contrainte, mais un impératif de compétitivité pour protéger votre patrimoine informationnel.
- Le Cloud Act américain annule les protections du RGPD pour les données hébergées chez des fournisseurs US, même en Europe.
- Une stratégie pragmatique consiste à auditer votre dépendance, classifier vos données et adopter une approche multi-cloud favorisant les solutions françaises certifiées (SecNumCloud).
Ne laissez pas un imprévu détruire votre entreprise : le guide de la sécurisation 360°
Aborder la souveraineté numérique uniquement sous l’angle de la cybersécurité ou de la conformité serait une vision réductrice. Il s’agit en réalité d’une composante essentielle de la résilience et de la continuité d’activité de votre entreprise. La dépendance excessive à un seul écosystème technologique, surtout s’il est extra-européen, crée un point de défaillance unique (Single Point of Failure) majeur. Une crise géopolitique, un changement de législation ou une décision commerciale unilatérale de votre fournisseur peut paralyser votre activité du jour au lendemain.
Construire une stratégie de sécurisation 360°, c’est donc intégrer la souveraineté comme un pilier de votre Plan de Continuité d’Activité (PCA). Cela implique de diversifier vos fournisseurs, de garantir la réversibilité de vos données et de maîtriser les briques technologiques critiques. L’État français l’a bien compris en faisant du cloud un axe stratégique majeur du plan d’investissement France 2030, pour lequel le gouvernement français a mobilisé 421 millions d’euros afin de soutenir le développement de solutions souveraines et de confiance.

Pour une PME, la migration vers un écosystème plus souverain doit être pensée comme un projet d’entreprise, phasé et pragmatique. Il ne s’agit pas de tout révolutionner en un mois, mais de suivre une feuille de route logique pour réduire progressivement votre surface d’exposition.
- Phase 1 – Quick wins (0-3 mois) : Commencez par les services les plus simples et les plus exposés, comme la messagerie et les outils collaboratifs, en migrant vers des solutions européennes ou open source auto-hébergées.
- Phase 2 – Sécurisation des joyaux (3-6 mois) : Identifiez et transférez votre patrimoine informationnel le plus critique (R&D, finance, données stratégiques) vers un coffre-fort numérique ou un cloud certifié SecNumCloud.
- Phase 3 – Migration des applications métier (6-12 mois) : Planifiez la migration progressive de vos applications critiques, en privilégiant des solutions qui garantissent la maîtrise des données.
- Phase 4 – Reconstruction du socle (12-24 mois) : Pour les systèmes les plus complexes comme l’ERP, envisagez des alternatives ou exigez de votre fournisseur actuel des garanties contractuelles et techniques de souveraineté.
- Phase 5 – Gouvernance continue : Mettez en place une politique IT qui favorise systématiquement les solutions souveraines pour tout nouveau projet et maintenez une gouvernance multi-cloud agile.
Cette démarche proactive transforme une menace diffuse en une opportunité de renforcer votre entreprise, de la rendre plus robuste, plus agile et, finalement, plus maîtresse de son destin.
La reprise en main de votre souveraineté numérique n’est pas une option, mais une décision stratégique qui déterminera votre capacité à innover et à compétitionner dans la décennie à venir. L’étape suivante consiste à passer du savoir à l’action en lançant votre propre audit de dépendance.